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  • Photo du rédacteurEn attendant

Déconnectée

Je ne suis plus vraiment TS et pas encore autre chose.

Le travail est, pour moi, un élément-clé pour savoir qui je suis.

Je n'ai pas de travail et donc je me sens indéfinie.


J'essaie de me définir par autre chose, mais mes perceptions, mes idéaux, mes valeurs, mes besoins, sont en changement, en redéfinition eux aussi.

Je ne peux donc pas m'appuyer sur eux pour définitivement me définir.

Je dois quotidiennement installer la version la plus récente de qui je suis.

Je suis en constante mise à jour.


Le titre de travailleuse sociale me permettait de me sentir définie, mais ce n'était qu'en surface. À l'intérieur, je me voyais flou...


Je pense que le phénomène de décentration y est pour quelque chose...


Pour intervenir, il faut se décentrer.


Définition : Dont le centre n'est plus le moi.

Il est impossible à aucun niveau, de séparer l'objet du sujet. Seuls existent les rapports entre eux deux, mais ces rapports peuvent être plus ou moins centrés ou décentrés et c'est [en] cette inversion de sens que consiste le passage de la subjectivité à l'objectivité (Battro 1966).


En résumé, ce n'est pas l'intervenant, le centre, mais la personne qui a besoin d'aide.

Il faut sortir de soi pour aller réellement à la rencontre de l'autre, devenir explorateur...

Donc, j'ai appris à mettre "mon moi" de côté pour me centrer sur l'autre.


J'ai rencontré en moyenne 3 personnes par jour pendant 7 ans (en enlevant mes vacances et mes congés de maternité). Chacune de mes interventions duraient en moyenne 1h.


Donc, 7665 heures - 319 jours - à être décentrée, à l'extérieur de moi.


À ne pas voir "mon moi".

À avoir les yeux, l'esprit, le coeur rivés

sur l'autre.


Tellement décentrée souvent que c'était devenu mon "mode par défaut".


Pour moi, décentrer rimait avec déconnecter.


J'ai été déconnectée de moi, de mes besoins, de mes émotions.

Je passais des journées à même oublier de dîner ou d'aller aux toilettes.


J'ai été habituée à ne pas être vu, à ne pas être connectée, à ne pas être le sujet...

Même à l'extérieur du travail, j'arrivais difficilement à reconnecter.


C'est difficile de savoir comment tu vas quand tu passes ta journée, décentrée.

C'est difficile de prendre soin de toi quand ton énergie est souvent orientée vers l'autre.

C'est difficile de demander de l'aide quand tu n'es pas le centre de tes préoccupations.


Dans ma vie, les moments où j'ai été en détresse, ce sont mes proches qui me l'ont appris.

J'étais vaguement au courant.

Mon détecteur de fumée sonnait, mais tellement loin dans mon esprit...

Ça faisait longtemps qu'il avait été mis de côté, qu'il n'était presque plus

dans mon champ de conscience.


Je pense à cette urgentologue qui s'est enlevée la vie.

J'ai lu qu'elle semblait déchirée entre ses besoins et ceux de ses patients, de ses collègues...

Je me demande si, elle aussi, se décentrait d'elle pour se centrer sur l'autre.

Je me demande si elle avait de la difficulté à se reconnecter à elle à l'extérieur du travail.

Peut-être qu'elle non plus, ne savait pas l'ampleur de sa détresse, et qu'au moment où la connexion s'est faite, ça été comme un tsunami qui l'a pris par surprise et l'a engloutie.


Il n'y a pas que les aidants qui se déconnectent trop souvent.

Certains s'étourdissent par le travail, les enfants et autres.

Ils ne savent pas trop ce qui se passent réellement en-dedans.


Ça fait plusieurs mois maintenant que je porte attention à moi, travaille la reconnexion.

Mais mon attention part encore, souvent en vrille et le fil de mon imagination me happe, j'étoffe des idées, crée un projet, puis un autre, peaufine mes capacités, lis, approfondis mes connaissances, m'exerce... et oublie encore, souvent de dîner....


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