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  • Photo du rédacteurEn attendant

Unique

Dernière mise à jour : 10 févr. 2021

Je suis enfant unique.

Être unique me plaît.

J’ai pas eu à partager. J’aime pas partager.

C’est assez classique.

Les potluck, je suis pas bien.

Les amis un peu fauchés qui m’invitent aux tapas, je décline.

Je protège même mon assiette de mes enfants. « Pas touche ! Si tu as encore faim, prends-toi un fruit ! »

Oui, j’ai honte. J’aime pas partager et être comme tout le monde.

Et je ne suis pas seule comme ça...

Tout le monde est unique.

Chacun.e cherche son essence, propose sa couleur, trouve sa niche,

se personnalise, revendique sa différence, se “brand”...

« Sois toi-même, tu es unique ! »

« Tout a été fait et dit, mais pas par toi ! »

« Être le meilleur est bien, c’est être le premier. Être unique est mieux, c’est être le seul. »


Être unique me trouble.

On commence à peine à comprendre les dégâts de la quête de performance,

que celle de l’unicité me saute au visage.

Je la trouve laide cette quête, ma quête.

Elle nous isole dans notre individualité, crée un manque d’écoute généralisé.

Chez moi, ça aussi créé une allergie devant le vrai collectif (pas le p’tit groupe ou l’clan qui semble la seule option tolérable de regroupement)

Je suis étourdie devant les variétés et la pluralité de tout, tout, tout. Ça me donne l’impression de ne plus avoir de points communs. Ça nous polarise...

Être unique me trouble.


Chez nous, on combattait l‘uniformité à coup d‘écussons, de broderies, d’accessoires.

Fallait être originale, se démarquer... être unique.

Ma mère s’enorgueillissait même :

« Ma fille aura pas le même manteau que toutes les autres dans cour d’école,

c’pas vrai ! » En grandissant, la pire insulte pour moi était quand même :

« Tu fais comme moi, tu m‘copies ? »


J‘ai développé une hantise de faire comme l’autre, d’emprunter le même chemin.

Quand, adolescente, on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais vouloir m’inscrire en art (la discipline demeurait flou). C’était pas pour être unique, c’était vraiment la seule réponse qui me venait spontanément. Comme une évidence. Toutefois, le chemin était effectivement différent et non-fréquenté dans ma famille. Systématiquement, on me servait sagement ceci :


« Oh! Trouve une autre corde à ton arc, fille, parce qu’il y a beaucoup d’appelés,

mais peu d’élus. ».


C’était même pas le peu d’élus qui me troublait, mais le beaucoup d’appelés.


Et, je les côtoyais ces appelés.

On voulait tous être en danse, en chant, à la télé, à dessiner...

Au secondaire, je me rappelle avoir espérer trouver MA voie en faisant le test de la conseillère en orientation. Résultat :

90 % artiste

3 % auteur

3 % psychologue

2 % criminologue

2 % clown


Elle m’avait remis des pamphlets de programmes post-secondaire en Art.

90 % artiste ? Ça veut dire quoi ?

Mon chemin m´apparaissait encore plus cryptique.


Ça s’est pas éclairé par après, au contraire, j’étais au milieu de créatifs.


J’étais tellement préoccupée à ne pas faire comme l’autre, à regarder ce qu’il faisait

pour ne pas faire comme lui que j´ai jamais su moi, je faisais quoi...

À trop vouloir être unique, je suis passée à côté de moi.

J’ai été développer l’autre corde à mon arc en me reniant à 90 %.

Rest energy. Performance artistique de Marina Abramovic et Ulay.


À 35 ans comme à 18, mon chemin reste nébuleux, mais je défriche...à pied.

C’est long.

Je n'éprouve plus de malaise à penser que nous serons des centaines de milliers

sur la même route, à être tous appelés. Au contraire, j’ai envie de communauté, de ressembler, d’être rassemblés,

d’être entourée...

Je commence à croire que j’ai toujours vu plein de talents autour de moi,

parce que mon peuple tout entier a envie de créer.

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